
"What are you doing the line for ?" m'a demandé à 15 h 06 cet après-midi une touriste américaine…
Faisions-nous la queue pour visiter un monument insolite ? Nous recueillir sur la tombe d'un mort prestigieux ?
Non.
Si nous étions trente à patienter dans une file délimitée élégamment par un cordon rouge, c'était "uniquement" pour rentrer chez ERES, le temple du maillot de bain branché.
"It's a very fashionable brand of swim-suites" ai-je expliqué à la dame très perplexe.
Après trente minutes, le portier m'ayant ouvert la porte, j'ai pu pénétrer… dans la ruche !
Au premier étage, des Parisiennes de tous âges (certaines avec leur maman venues - les veinardes - signer le chèque) s'affairaient autour d'une petite dizaine de présentoirs classés par taille.
- Je pense qu'il vous faudrait la taille au-dessus, si ça vous serre…
- Un 42 ? Aaaah, mais vous n'y pensez pas ! a rétorqué la quinquagénaire perchée sur ses espadrilles à talons en satin vert enrubannée d'un une-pièce sans bretelles. Et d'essayer dans la foulée le "petit" paréo qui cachait son ventre comprimé.
- C'est pâââââs mal comme çâââââ. Non ?
Après une seconde queue de 15 minutes, celle-ci pour l'essayage, une vendeuse souriante m'a fait rentrer dans une cabine.
- Vous êtes deux, m'a-t-elle précisé diplomatiquement.
La dernière fois, on était 3, ai-je pensé, donc c'était plutôt une bonne nouvelle.
J'ai donc partagé mon intimité avec plusieurs clientes, visiblement convaincues que les réductions sur les maillots justifiaient - au moins en partie - cet exhibitionnisme forcé. Mais pas au point de dire "bonjour" à la nouvelle arrivante !
J'ai essayé dix maillots. 5 en 40. 5 en 42.
La vendeuse - étonnamment calme et disponible en ce jour fourmillant - m'a conseillée, ne négligeant pas au passage les compliments.
- Qu'est-ce qu'ils vous vont bien, m'a lancé une fille aux seins nus, qui essayait hors cabine son 15ème soutien-gorge.
- Vous devriez prendre les deux, a conseillé une autre.
Je suis donc ressortie avec 4 maillots en main. Deux à ma taille dont le modèle ne me convainquait pas tout à fait, et deux autres dont j'adorais la coupe mais qui étaient un peu justes. Comment choisir, alors ?
Accessoirement, j'ai demandé à une vendeuse combien 40% de réduction sur 235 euros faisait au final ?
- Entre 150 et 158 euros.
J'ai - vieux réflexe de quadragénaire - converti la somme en francs. 1000 francs, pour un maillot qui tout bien considéré ne m'avait pas valu de coup de cœur…
Je suis repartie les mains vides. Quasi honteuse devant le portier muet de ne pas sortir comme tout le monde avec mon petit sac en papier blanc marqué ERES. Mais si fière, au fond, de ne pas avoir cédé aux sirènes du consumérisme branché !